Contaminations de l’Etang de La Pouge

Sources et Rivières du Limousin a été contactée au mois de Juillet dernier pour donner un avis sur la contamination aux cyanobactéries de l’étang de la Pouge.
Le Populaire du Centre a ainsi publié quatre articles sur cette pollution les 30 juillet, 4, 11 et 16 août 2022:

Quels enseignements peut-on tirer des différents points de vues exprimés dans le journal afin de revoir éventuellement des axes stratégiques en matière de politique de l’eau ?

Constat

Le point de départ du raisonnement est le constat de la contamination de l’étang de la Pouge situé sur le Goret, affluent de la Gore. Dans l’article du 30 Juillet, le Populaire du Centre mentionne un premier chiffre de 600 kilogrammes de poissons morts, d’où les deux questions développées dans les articles suivants du journal : qui est responsable ? que peut-on faire ?

Qui est responsable de cette contamination ?

Il est intéressant de noter la diversité des explications avancées par les différentes parties prenantes :

  • Un expert hydrobiologiste spécialiste des cyanobactéries met en avant l’excès de phosphore dû à trois causes principales : l’agriculture, les eaux usées, les appâts des pêcheurs.
  • La Fédération de pêche de la Haute Vienne s’est empressée de contester en la personne de son Président, la responsabilité des pêcheurs.
  • Le Conseil Départemental, propriétaire de l’étang, souligne l’importance d’analyser et de comprendre ce qui se passe.
  • Sources et Rivières du Limousin souligne le rôle probable de la multiplication des étangs.

Au fil des articles, on constate que le cœur des controverses réside dans l’explication de l’apport de phosphore qui est à l’origine du développement des cyanobactéries et donc de l’eutrophisation   du plan d’eau. En particulier, dans les articles des 11 et 16 Août, le Populaire du Centre se fait l’écho des divergences d’interprétation des prélèvements effectués dans l’étang entre le représentant départemental de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) et le Président de la Chambre d’agriculture de la Haute Vienne :

  • Selon l’OFB, trois causes seraient à l’origine de la prolifération des cyanobactéries et de l’eutrophisation : les prélèvements d’eau et la présence d’étangs ; les rejets agricoles de phosphore liés à l’exploitation de maïs irrigué ; la hausse des températures de l’eau et l’absence de pluviométrie.
  • Selon la Chambre d’agriculture, le phosphore présent ne proviendrait pas de la culture irriguée du maïs mais des sédiments accumulés depuis de longues années en provenance des assainissements individuels et collectifs.

Que peut-on faire ?

Au final, les différents avis contenus dans les quatre articles du Populaire du Centre divergent selon les intérêts de chacun et débouchent sur des préconisations très contrastées.

  • Pour les uns, il faut des mesures immédiates comme le curage de l’étang ou la mise en œuvre de traitements chimiques.
  • Pour les autres, il faut remonter aux causes profondes de la contamination et envisager des mesures préventives permettant la baisse de l’apport en nutriments.

On voit ainsi que l’étang de la Pouge constitue un exemple emblématique de la complexité des dysfonctionnements environnementaux. L’examen de la littérature scientifique sur les cyanobactéries semble confirmer le rôle de tous les facteurs mentionnés, le problème étant de savoir quelle est la responsabilité relative de chacun.

La position de SRL: Tous responsables

Le premier point concerne les causes d’une telle contamination.

Il nous semble qu’en la matière tout le monde est responsable et qu’il est complètement stérile d’accuser l’autre pour se dédouaner comme le fait allègrement la Chambre d’agriculture. La prolifération d’algues et l’eutrophisation proviennent d’un excès d’apports en nutriments comme le phosphore et l’azote. La diminution de l’oxygène dissous peut alors entraîner des mortalités de poissons les plus fragiles. De plus, des éléments peuvent accélérer le processus comme la faiblesse des débits amont et aval et un brassage insuffisant de l’eau, l’augmentation de la température de l’eau ainsi que son PH.

Le phosphore peut se stocker dans les sols, les eaux et les sédiments mais ses formes sont très variées (particulaire, soluble, organique, minérale), ce qui rend très difficile la compréhension des différents mécanismes en jeu dans l’environnement. On sait néanmoins que le phosphore est présent dans les engrais, les lessives, les détergents et que deux sources possibles existent : ponctuelles ou diffuses. Les apports ponctuels concernent les rejets domestiques (assainissements individuels ou collectifs), les rejets agricoles (engrais), les rejets industriels (eaux usées). Les sources diffuses se font essentiellement par ruissellement des sols. On voit bien ainsi qu’il est extrêmement difficile de repérer une source unique de contamination et que c’est l’ensemble des activités concernées qu’il s’agit de réguler pour limiter les transferts de phosphore vers les cours d’eau et les étangs.

Des solutions locales de court terme

Au niveau du plan d’eau, la méthode la plus radicale consisterait dans la vidange totale de l’étang avec minéralisation des sédiments contenus dans le fond. De multiples autres actions intermédiaires vont du curage des sédiments à l’assec partiel (abaissement du niveau). Des traitements chimiques existent (sulfate d’aluminium, sulfate de cuivre), mais ils ne sont pas sans risque. Une évaluation est ici nécessaire, ce qui n’est pas toujours le cas. Des vendeurs de produits privilégient l’impact de court terme sur les cyanobactéries sans se soucier de l’impact à plus long terme.

Des retours d’expérience seraient donc nécessaires sur la base d’évaluation systématique des actions menées. Parfois, on se contente de l’épandage de produits chimiques puis les gestionnaires et les pêcheurs suivent les évolutions du bloom à l’œil nu ! De façon générale, on dispose de peu d’évaluations environnementales et de suivis d’actions. Ce déficit d’information rend difficile de savoir quelles sont les bonnes pratiques en matière de réduction d’un bloom. Il serait très utile de constituer une base de données relative à la lutte contre les cyanobactéries, d’instituer un cahier des charges pour un protocole d’actions et un suivi, de mettre en place une instance d’expertise pour avis et recommandations.

 

Des solutions globales de plus long terme

Au-delà des mesures locales curatives, il faudrait mettre en place des politiques de prévention pour réduire les apports excessifs en nutriments. De multiples mesures seraient nécessaires (contrôle des prélèvements d’eau dans le milieu, lutte contre les pollutions diffuse, contrôle des stations d’épuration et des assainissements individuels, …).

Sources et Rivières du Limousin privilégiera deux politiques globales en priorité :

  • La première concerne le choix d’un type d’agriculture.
    On sait que l’agriculture intensive devrait être remplacée par un modèle respectueux de l’environnement. Le Limousin n’a pas à s’engager dans un modèle agricole obsolète (irrigation, élevages intensifs, utilisation de produits chimiques, génétique, mécanisation…). Par ailleurs, il est parfaitement établi que ce modèle intensif ne permettra pas de nourrir 10 milliards d’individus en 2050, contrairement à un modèle d’agriculture paysanne et familiale qu’il ne faudrait pas faire disparaître du Limousin !
  • La seconde concerne la politique des étangs.
    Sources et Rivières du Limousin maintient que la multiplication des étangs (plus de 22000 en Limousin !) constitue une cause essentielle de diminution des débits des cours d’eau, de perte sèche d’eau par évaporation et d’augmentation généralisée de la température de l’eau. L’étang de la Pouge est un exemple significatif des conséquences de la multiplication des étangs sur le bassin versant du Goret. Même si ce n’est pas la cause unique, les 46 étangs recensés ne sont certainement pas neutres dans le réchauffement des eaux et la réduction des débits. Une autre politique des étangs est indispensable.